FEMEN World

En 2014 et 2015, j’ai réalisé des images des FEMEN dans leur QG, des portraits, des détails, mais aussi des scènes de préparation et de repos …
WOMAN IS A RIOT – Texte de Marie Docher :
D’Ukraine arrivent des femmes blondes pour satisfaire les besoins sexuels et reproductifs de certains hommes occidentaux agacés par le manque de servilité de leurs compatriotes dénaturées par le féminisme.
D’Ukraine arrivent d’autres femmes blondes, des Femen. Puis des femmes brunes d’autres pays. Elles sont en guerre contre le patriarcat et leur tâche est immense, leur courage aussi. Pour être entendues, elles ont une arme redoutable : leurs seins.
Le corps des femmes est un enjeu marchand et politique. On apprend tôt aux filles à connaître les limites de leur territoire, et il se trouve qu’elles touchent celles d’une masculinité massivement construite par et pour le contrôle de ces frontières.
Dans l’espace occidental, leur corps est érotisé pour vendre des voitures, des tronçonneuses, amaigri et affaibli pour vendre des vêtements et des promesses de bonheur, manipulé pour faire cracher du cash, pornographié pour satisfaire l’industrie du luxe. Les Femen posent un acte de résistance. Elles retournent le stigmate et s’en arment : « Vous aimez nos seins ? Regardez et lisez ! ».
Les Femen sont sacrilèges. Elles montrent le caractère ignoble d’une coupe du monde de football qui sacrifie sur son autel des milliers de prostituées. Elles dévoilent la violence de Civitas et d’une droite dure, homophobe. C’est ça. Elles dévoilent l’omniprésence et la puissance d’un système sécuritaire qui jaillit dès qu’elles arrivent, dès qu’elles crient, et on sait que les filles ne doivent pas crier, ne doivent pas déranger. Elles font convulser des politiques plus effrayés par leurs seins que par la puissance du FMI. Oui, le corps des femmes est bien au centre des tentatives de contrôle et les Femen réveillent une conscience du corps.

Les photographes adorent les Femen. Il faut les voir lors de manifestations, sortant leur plus gros zoom pour « shooter » celles dont le corps est le plus conforme aux désirs des médias.
Vincent Gouriou n’est pas de ceux-là. Elles l’ont compris en découvrant son travail. Vincent aime les instants calmes, intimes, silencieux, qui laissent le temps aux corps de se déposer, aux fatigues de se dissiper. Elles ont compris qu’elles pouvaient se reposer un instant avec lui, dans leur QG d’une banlieue parisienne, faire le point alors que les hématomes d’une action récente sont toujours visibles, juste avant une autre action. L’activisme demande de la force, de l’énergie, de la colère.
Vincent est un homme qui résiste au formatage d’une masculinité dominante, à la norme, à l’identité forcée. Alors un dialogue s’engage entre eux, naturellement, en dehors des codes imposés. Les Femen plantent leurs corps dans l’histoire des femmes et cassent cette nécessité de douceur qui leur est imposée. Elles ne sourient pas, ne se déhanchent pas, ne minaudent pas. Elles se maquillent si elles le décident. Il ne leur impose rien. Le mot War sur le corps musclé d’Inna devient une évidence sous le regard de Vincent. Il les regarde simplement et leur colère devient la sienne, progressivement. Oui, il sait qu’il y a des guerres à mener pour les femmes et pour les hommes, qu’une révolution des esprits est nécessaire. Et il faut des images pour mener cette révolution. En voici.
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